
Portrait La nouvelle vie d’un réfugié kosovar
Réfugié kosovar, fuyant la guerre qui déchirait son pays,
Sali Zymberi est arrivé à Clermont à l’âge de 9 ans. C’était il y a vingt ans ! Aujourd’hui clermontois et français à part entière, Il se souvient.
Septembre 1999, le petit village de Gjilan est pris entre les feux d’une guerre fratricide qui oppose Serbes et Albanais, devenus brusquement ennemis aussi jurés qu’intimes, et jette sur les routes des milliers d’habitants de ce petit territoire enclavé au cœur de la Serbie.

Parmi eux, Sali Zymberi, 9 ans, et toute sa famille, une fratrie de cinq autres enfants, deux frères et trois sœurs, accompagnés de leurs parents, contraints de tout abandonner pour fuir les exactions des milices paramilitaires qui sèment la terreur à travers le pays.
Migrant dans son propre pays
Six semaines d’errance, entre abris et amis, durant lesquels Sali et tous les siens, devenus vagabonds en leur pays, vont connaître le froid, des angoisses et la faim.
« Pas vraiment de la peur car je n’étais alors qu’un enfant, conscient qu’il se passait quelque chose mais sans en comprendre vraiment la gravité et moins encore les dangers. »
Tous finissent, sains et saufs malgré les privations, par échouer dans un centre de rétention placé sous le contrôle d’une armée régulière serbe, pas franchement agressive mais, manifestement, impatiente de se débarrasser de ces “migrants” encombrants.
C’est grâce aux efforts de son père, à l’époque enseignant, notamment de français, qu’ils sont pris en charge par les troupes de l’ONU et embarquent pour la France. Sali ne se doute pas encore que c’est la dernière fois qu’il verra sa terre natale. Accueillis tout d’abord à Lyon, ils sont ensuite dirigés vers Clermont et le foyer Sonacotra de la rue du Cheval, dans le quartier de la Croix-de-Neyrat, qui va devenir, pour tous, leur nouveau port d’attache et le berceau d’une nouvelle vie.
« Nous avons été accueillis ici comme moi-même, aujourd’hui, je serais incapable de recevoir ma propre famille ou mes amis », se souvient avec émotion Sali. « Nous avions tout un étage rien que pour nous, avec chacun sa chambre, une cuisine et tout… Et surtout une vraie chaleur humaine. »
Un ballon rouge et le goût des biscottes
C’est dans ce nouveau havre qu’il découvre, à son grand étonnement, qu’ici il existe les biscottes. « C’était tellement nouveau pour moi que je ne voulais pas croire que cela puisse remplacer le pain. »
Mais il lorgne surtout sur un ballon rouge avec lequel le pas même adolescent qu’il est ne rêve que de jouer. « C’est une image et un souvenir qui me reviennent sans cesse en tête. Au point que, chaque fois que j’achète un jouet pour mes propres enfants (aujourd’hui âgé de 29 ans, il est marié depuis 2008 et père de deux fillettes et d’un petit garçon), je ne peux m’empêcher de repenser à ce ballon d’il y a vingt ans, symbole de liberté, d’une paix et d’une joie retrouvées. »
La soif de réussir une nouvelle vie
Scolarisé en CE1 à l’école Jules-Vallès, sa soif de réussir ce tout nouveau départ et plus forte que tout et lui permet d’apprendre très vite notre langue, au point qu’il la parle aujourd’hui sans le moindre accent, et si bien qu’il passe avec succès, tour à tour, un CAP, un brevet technique et suit un apprentissage de prothésiste dentaire. Il n’y fera toutefois pas carrière.
Un travail très minutieux qui nécessite beaucoup d’application et de patience et je n’avais sans doute pas les qualités requises. » Son employeur d’alors ne le recrute donc pas. Peu importe car Sali, non content d’être humble et posé, peut s’avérer pressé. Pressé de s’installer, les siens avec lui, dans ce monde qui est désormais le sien.
« C’est en France, désormais, que se trouve mon histoire. »
Naturalisé français en 2018, il est aujourd’hui surveillant de nuit au CeCler (centre d’hébergement et de réinsertion sociale de Clermont). Sans doute sa manière d’apporter aux autres, aujourd’hui, ce que lui-même a reçu hier. Il fait aussi office d’interprète auprès de la préfecture, de la Ligue des droits de l’Homme…
Et ne regrette rien :
« Je préfère gagner un Smic ici que 5.000 € au Kosovo. Ce pays est devenu le mien car il m’a offert la possibilité de me construire et je ne peux lui en être qu’infiniment reconnaissant » .
En l’honneur de son père
Mais celui à qui le jeune homme dit devoir le plus est, avant tout, son père : « C’est lui qui, non seulement, nous a donné la vie mais, surtout, permis de la sauver et de la préserver. Lui aussi, qui m’a inculqué les valeurs familiales, de courage, de travail et de ténacité que je m’efforce aujourd’hui, à mon tour, de perpétuer ».
C’est donc essentiellement pour lui que Sali projette d’organiser une grande fête, prévue pour bientôt à l’espace Nelson-Mandela, à la Gauthière, pour y réunir toute sa famille et tous ceux de ses amis qui lui ont permis d’arriver jusqu’ici.
« C’est en France, désormais, que se trouve mon histoire. »
Extrait du journal La Montagne du 05/05/2019 ; édito Patrick Ehme
2 Comments
CHARMEIL Dominique
juin 4, 2019at 5:43 pmC est un très beau témoignage, Sali
Nous sommes tous très fier de vous!
Olivier STABAT, Président de CeCler
juin 8, 2019at 10:58 amNous sommes fier de toi Sali pour ce magnifique témoignage dans La Montagne, pour ton parcours, mais surtout pour qui tu es…